mardi 5 juillet 2016

Les enseignants sont des gens saignants par Sidi Ould Bobba

Ibn Khaldoun répond à Ely Ould Meidah

Dans le N° 13 du Journal «  Mauritanie Demain », du mois d’avril 1990,
Ely Ould Meîdah disait sous le Titre : Les enseignants sont des gens
saignants.
Ils ont saigné et c’est précisément en saignant et parce qu’ils ont saigné qu’ils sont devenus et demeureront enseignants. Situation peu viable du reste. C’est ce qu’ils sont mal vu les enseignants. Sont –ils seulement vus ? Il m’est arrivé de me présenter comme étant douanier, par exemple, et croyez- le ou non, mais je vous jure que l’idée qu’on se faisait de ma pomme changea brusquement et on m’entoura de la plus grande attention et surtout du plus grand intérêt.

Ce qui est bizarre, c’est que les enseignants sont trois fois mieux payés que les douaniers. Alors, je vous prie  de bien vouloir me dire ce qui se cache  derrière tout cela la tenue treillis peut être ? Ou alors les T.S ? Je pense que ce n’est pas cela On m’aurait dit que dans nos collectivités d’antan celui qui à qui on confiait la charge  d’enseigner les mouflets est toujours le parent pauvre qui, faute d’avoir à s’occuper de ses  biens matériels, s’est occupé spécialement de parfaire son enseignement Coranique. Et l’image resta. L’enseignement aujourd’hui est toujours ce parent pauvre même si, trop souvent hélas, il n’est la parent de personne. Ceci explique cela.
Ely Ould Meidah
Enseignant
Ibn Khaldoum dans les prolégomènes nous dit :

On sait que l’homme est naturellement porté à fonder des jugements sur
des analogies et des ressemblances. Ce procédé n’est pas à l’abri de l’erreur, et, lorsque l’étourderie et le défaut de réflexion  s’y joignent, il écarte ceux qui l’emploient du but qu’ils se proposent, et les détourne de ce qui fait l’objet de leurs recherches. Celui qui entend raconter les événements des temps passés et qui ne se doute pas des modifications ni des changements survenus  dans la société humaine, établit, au premier abord, un rapprochement entre ces faits et les choses qu’il a apprises ou dont il a été témoin. Or comme ces deux termes de comparaison peuvent offrir des différences considérables, on s’expose à commettre de graves méprises. Il faut ranger dans ce genre d’erreurs ce que les historiens racontent au sujet d’El-Haddjadj. Son père, disent-ils, était maître d’école. Or, de nos jours, l’enseignement est un métier  que l’on exerce pour vivre et qui ne convient en aucune façon aux personnes dont la famille exerce une grande influence. 

Le maître d’école est un être sans conséquence ; il occupe dans la société une  position inférieure et ne fait aucune figure dans le monde. Beaucoup de gens pauvres, qui exercent des arts ou des métiers pour gagner leur vie, s’imaginent qu’à l’exemple d’El Haddjadj ils pourront atteindre aux plus hautes destinées, bien qu’ils n’en soient pas dignes, et ils se figurent qu’un tel changement ne serait pas impossible. Cédant aux suggestions de l’ambition, ils cherchent à monter aux honneurs ; mais la corde qu’ils tiennent entre les mains se casse, et ils tombent dans un précipice où la mort et la ruine les attendent. Ils ne comprennent pas combien de pareilles prétentions sont absurdes chez des gens de leur espèce, des malheureux qui doivent exercer un art ou un métier pour soutenir leur existence. Il n’en était pas ainsi sous les deux premières dynasties de l’islam : à cette époque, l’enseignement ne passait nullement pour un métier ; il consistait à communiquer aux autres les ordres qu’on avait entendus de la bouche du législateur, et à leur apprendre les principes religieux dont ils n’avaient point de connaissance, et cela se faisait à titre de communication gratuite.

Aussi les hommes de haute naissance et les puissants chefs de tribu qui avaient combattu pour établir la religion étaient ceux qui
enseignaient le Coran et les lois émanées du Prophète ; c’était de leur part une simple communication de doctrines, et nullement l’exercice d’un enseignement mercenaire, car il s’agissait du livre sacré que Dieu avait  envoyé à leur Prophète, et dont les prescriptions devaient être la règle de leur conduite. L’islam, pour lequel ils avaient combattu jusqu’à la mort, était leur religion, et ils se faisaient gloire de le posséder seuls entre tous les peuples ; donc ils s’empressèrent d’enseigner ses doctrines et de les faire comprendre à leur nation. Dans l’accomplissement de cette tâche, ils ne se laissèrent pas arrêter par les reproches de l’orgueil ou par les remontrances de l’amour-propre ; la preuve en est que le Prophète, en
congédiant les députations des tribus arabes, les faisait accompagner par les principaux d’entre ses compagnons, chargés d’enseigner à ces peuples les préceptes de la loi religieuse qu’il avait apportés aux
hommes. Ces missions furent confiées par lui à ses dix principaux compagnons, puis à d’autres d’un rang inférieur.

Lorsque l’islam fut solidement établi et que les racines de la religion se furent affermies, les peuples les plus éloignés le reçurent des mains de ses adhérents ; mais, après un laps de temps, cette doctrine subit des modifications : on avait tiré des textes sacrés des maximes pour les appliquer à la solution des nombreux cas qui se présentaient sans cesse devant les tribunaux, de sorte qu’on sentit la nécessité d’un code qui mettrait la justice à l’abri des erreurs. La connaissance de la loi, devenue alors une acquisition importante, exigea un enseignement régulier, lequel prit bientôt place au nombre des arts et des professions, ainsi que nous l’expliquerons dans le chapitre consacré à la science et à l’enseignement. Les chefs des grandes tribus, devant s’occuper à maintenir la puissance de l’empire et l’autorité du souverain, abandonnèrent la science (de la loi) à ceux qui voulaient bien s’y adonner ; aussi l’enseignement devint une de ces professions dont l’exercice fait vivre. Les gens riches et les grands personnages de l’État dédaignèrent de s’y livrer ; il passa entre les mains de quelques hommes sans considération, tomba au rang de simple métier et resta exposé au dédain des nobles et des courtisans. El-Haddjadj était fils de Youçof, l’un des principaux membres de la tribu de Thakîf. Tout le monde sait que ces chefs portèrent au plus haut degré l’esprit de corps et de famille, sentiment naturel aux Arabes, et que, sous le rapport de la noblesse, ils rivalisaient avec les Coreïch. L’enseignement du Coran n’était point alors ce qu’il est aujourd’hui, un métier qui fait vivre ; il n’avait éprouvé aucun changement depuis l’origine de l’islam.


Sidi Ould Bobba
D.G Collège Bir - Moghrein


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