Parler de Brexit, c’est déformer, en quelque sorte, la
réalité de la Grande Bretagne puisque ce pays n’a jamais entamé complètement
son Brentry, si on
peut s’exprimer ainsi, dans l’union européenne. Les anglais ont toujours été
« allergique » au continent européen et l’histoire leurs a le plus
souvent donné raison.
Remontons un millénaire
et quelques siècles en arrière pour voir que les anglais ont parfaitement
raison de craindre cette Europe continentale.
L’époque romaine.
Quand Jules
César envahit
la Gaule,
il dût faire face à certains alliés bretons insulaires des Gaulois. Ces peuples
sont celtes,
et non francs ou anglo-saxons,
des ethnies et des peuples qui restent hors de portée de la République puis de l'Empire romain. Résultat de cette alliance celte,
César tenta l'invasion de la Bretagne, sans succès. Cependant, la Gaule et la
future Belgique furent conquises et transformées en provinces romaines. Plus
tard, avec les empereurs romains, la Bretagne sera définitivement conquise et
transformée, elle aussi, en province romaine.
Pendant presque cinq
siècles, Bretagne et Gaule furent le théâtre d’interactions régulières, tant au
niveau de la culture que du commerce, le tout, sous l'égide impériale.
Cependant, la chute de l'Empire romain d'Occident, au cinquième siècle,
entraîna une rupture entre deux territoires envahis par des peuples germaniques
différents : les Francs pour la Gaule, les Angles et
les Saxons pour la Bretagne. Le christianisme l'emporta sur les
anciennes croyances celtes et les Germains adoptèrent cette nouvelle religion.
Jusqu'au début du second millénaire, les relations franco-britanniques sont
faibles du fait de l'isolationnisme des Britanniques (centrés sur leur île) et
des Francs (tournés vers l'Europe continentale).
Guillaume le Conquérant
En 1066, les relations
franco-britanniques prennent un tournant inattendu. Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, alors
vassal du roi de France, décide de revendiquer la couronne anglaise qu'il juge
la sienne. Il se lance à la conquête des îles britanniques et parvient à
remporter le titre de roi d'Angleterre. Désormais, Guillaume le Conquérant
possède plus de puissance et de territoires que son suzerain, le roi de France.
La structure féodale de la société normande s'implanta en Angleterre et
transforma cette société. Libérés des devoirs envers leur suzerain français,
les rois d'Angleterre jouissent d'une liberté nouvelle qui ne tardera pas à
déboucher sur un conflit récurrent entre la France et l'Angleterre. C’est ainsi
que naquirent les guerres entre ces deux pays.
Après la mort du roi Philippe Ier de France, son fils Louis
VI tente de récupérer la
Normandie, arguant que le roi d'Angleterre, en ne respectant pas l'autorité de
son suzerain, est un vassal félon. Les Français sont vaincus en 1119 et le roi
de France est obligé de laisser la Normandie à l'Angleterre. Son fils, Louis VII sera au
centre de la première grande guerre entre France et Angleterre. Marié à Aliénor d'Aquitaine, héritière du duché
d'Aquitaine, sous le règne de son père, Louis se sépare de celle-ci qui se
remarie aussi tôt avec le futur roi d'Angleterre, Henri Plantagenêt, comte d'Anjou, du Maine et duc
de Normandie. La France est amputée d'un énorme tiers de son territoire. Capétiens et Plantagenêt se lancent dans une série de guerre qui va façonner
les relations franco-britanniques pour des siècles.
Philippe II de France, fils de Louis VII, décide
de diviser les Anglais pour récupérer les possessions continentales de
l'Angleterre. Il profite de la mort de Richard Cœur de Lion pour déclencher une guerre contre Jean sans Terre. Il parvient, malgré la coalition
de l'Angleterre et du Saint-Empire romain germanique, à vaincre ses
ennemis à Bouvines, en 1214. La victoire est telle que
l'autorité royale est restaurée et les territoires occidentaux de la France,
retrouvés, Normandie comprise qui intègre le domaine royal. Le fils de Philippe Auguste, Louis VIII, parvient à reprendre l'Aunis et le Poitou aux
Anglais.
La guerre de Cent-Ans (1337 - 1453)
Au début du XIVe siècle,
le Royaume de France connaît une crise de succession. Les trois fils de Charles
IV le Bel sont morts sans
héritiers masculins. Philippe de Valois est alors désigné par les grands
seigneurs français pour devenir roi de France sous le nom de Philippe VI de France car il est le neveu de Philippe le Bel et
le cousin des derniers rois. Isabelle, fille de Philippe le Bel, est écartée de
la succession à la mort de ses frères au nom de la loi salique qui interdit à une femme de régner. Elle a épousé le roi d'Angleterre et
donné naissance à un fils : Edouard
III d'Angleterre. Ce dernier est donc le petit-fils de Philippe le
Bel et neveu des derniers rois. Il estime, à ce titre, avoir le droit de
devenir roi de France et conteste l'autorité des Capétiens-Valois. À la veille
de la guerre, le roi d'Angleterre est aussi le vassal du roi de
France pour ses fiefs de Guyenne où
les agents du roi de France ne cessent de lui causer des ennuis. En 1337, le
roi de France, Philippe VI s'empare du duché de Guyenne à la suite du
défi d'Édouard III. C'est le début de la guerre de Cent Ans.
Le conflit se décompose
en quatre phases distinctes. De 1337 à 1360, les défaites s'accumulent pour la
France. Ils perdent la bataille navale d'Ecluse (1340) qui laisse les Anglais
libres de leurs mouvements entre l'île britannique et le continent européen.
Face à Edouard III, Philippe VI perd la bataille de Crécy (1346) et de Calais
(1347) qui devient un port anglais. En 1355, le « Prince noir », fils d'Edouard III, se lance
à l'assaut de Paris depuis Bordeaux. Le roi de France, Jean
II le Bon, se lance à sa rencontre mais est fait prisonnier par les
Anglais, emmené à Londres. Il est contraint d'accepter la signature du traité de Brétigny, en 1360. La France cède à
l'Angleterre le duché de Guyenne agrandi en échange du renoncement d'Edouard
III à la couronne française. La mort de Jean II conduit son fils, Charles
V, à reprendre les hostilités avec les Anglais. Les Anglais reculent
et cèdent une grande partie de l'Aquitaine : c'est la seconde phase du
conflit, de 1360 à 1386.
Frappé de crises de
folies, Charles VI de France, fils de Charles V, laisse à
son entourage le temps de s'entre-déchirer pour le pouvoir. Le pays sombre dans
la guerre civile qui oppose les Armagnacs (partisans du dauphin Charles) et les
Bourguignons (partisans du duc de Bourgogne, cousin du roi soutenu par la
reine). Les Bourguignons s'allient finalement aux Anglais, en 1414. En 1415, la
chevalerie française est défaite lors de la bataille d'Azincourt et le roi d'Angleterre Henri V conquiert
tout le nord de la France ainsi que Paris. Le traité de Troyes, signé en 1420, déshérite le
dauphin Charles. Le roi de France marie sa fille à Henri V qui est désormais
reconnu comme régent de France et héritier du trône. Le nord-est du
pays est sous domination bourguignonne et seules les régions du sud
obéissent au dauphin Charles qui à la mort de son père, en 1422, prend le titre
de roi de France (Charles VII).
Vient alors la quatrième
et dernière phase de la guerre de Cent-Ans : la victoire finale du roi de
France. En 1428, les Anglais font le siège de la ville d'Orléans, favorable au
roi Charles VII et qui tient le passage de la Loire. Jeanne
d'Arc, jeune fille de Lorraine, va trouver le roi à Chinon. Elle le
convainc de lui confier les troupes qui vont délivrer Orléans. Les Anglais
reculent vers le nord et le roi est sacré à Reims, en 1429. Jeanne d'Arc tente
de s'emparer de Paris, qui la repousse, avant d'être capturée par les
Bourguignons à Compiègne. Elle est ensuite livrée aux Anglais qui la jugent à
Rouen avant de la brûler vive, en 1431. Charles VII, quant à lui, réorganise
son armée et finit par reprendre Paris (1436), la Normandie (1450) et la
Guyenne (1453). Les Anglais ne conservent plus que Calais.
La guerre de Cent-Ans est
l'élément central des relations franco-britanniques : les Français
concrétisent le sentiment national né à Bouvines quelque deux siècles plus tôt,
derrière la figure de Jeanne d'Arc. Mais l'impression que l'Angleterre est un
« ennemi héréditaire » de la France se fait de plus en plus forte au
sein de la population française. Quant à l'Angleterre, elle ressort humiliée de
cette longue série de guerre, ayant perdu presque toutes ses terres
européennes. La royauté anglaise, fragilisée, entre en crise. La guerre des Deux-Roses va anéantir le travail des précédents rois
d'Angleterre : l'Angleterre est affaiblie et les Plantagenêt sont
remplacés par les Tudors.
La France devient un adversaire redoutable qu'il faut à tout prix contenir.
La période moderne : France et
Angleterre deviennent des puissances mondiales concurrentes
La Renaissance est
marquée par de nombreux conflits qui voient s'opposer les Anglais aux Français,
notamment les guerres italiennes, en 1494 et 1559. Une nouvelle scission vient
aggraver les relations franco-anglaises : la Réforme. Les Anglais deviennent protestants, les
Français demeurent catholiques. La guerre politique entre les deux nations
devient une guerre religieuse. Cependant, les deux pays sont souvent en
position de guerres civiles sur fond de tensions religieuses, ce qui restreint
leurs affrontements directs. Cependant, la prise de pouvoir des Bourbons, dont
la figure de proue est Henri IV de France et de Navarre, va bouleverser
davantage les relations franco-anglaises : la monarchie française devient
très puissante, le pays est unifié et pacifié. La France devient un adversaire
de premier ordre, d'autant plus que le déclin des monarchies espagnoles et portugaises
laissent le champ libre à de nouvelles nations d'émerger en Europe, mais aussi
dans le monde.
Les tensions sont
cristallisées sous le règne de Louis XIV (1643-1715). Le roi de France concrétise la monarchie absolue et prétend
à l'universalité de son règne. L'expansionnisme français dans les Pays-Bas
autrichiens et dans la conquête du Nouveau-Monde achève de convaincre
l'Angleterre de la menace que représente la France. Le traité de Westphalie (1648) consacre la France comme la "nouvelle
Espagne". Les Anglais se lancent à la rencontre des Français partout dans
le monde pour les empêcher de prospérer. Côté français, les Anglais sont vus
comme de vulgaires pirates reclus derrière leur île : l'Angleterre devient
la "Perfide Albion".
Les deux pays suivent
même des philosophies politiques opposées : la France voit sa monarchie
devenir absolue à travers le règne de Louis XIV quand les Anglais entrent en
révolution pour sanctionner les élans absolutistes de leur roi, Charles Ier,
allant jusqu'à l'exécuter. Une république et une restauration monarchique
seront nécessaires pour restaurer la paix en Angleterre. Cependant, ces
événements n'empêchent pas l'Angleterre et la France de s'affronter au sein de
la guerre de la Ligue d'Augsbourg, de 1688 à 1697.
Effrayée à l'idée d'une
invasion, l'Angleterre entérine l'Acte d'Union entre le royaume et l'Écosse, en 1707. Alors que le
nouveau Royaume-Uni devient parlementaire, la France continue sa marche vers
l'absolutisme. Le Royaume-Uni affronte la France durant la guerre de Succession d'Espagne, entre 1702 et
1713. Le Royaume-Uni refuse toute union politique entre la France et l'Espagne
ce qui en ferait une puissance continentale et mondiale titanesque. Elle
obtient le renoncement du dauphin Philippe, désormais Philippe V d'Espagne, à la couronne de France.
Le Royaume-Uni se pose en
défenseur de "l'équilibre des puissances" en Europe :
aucun pays ne doit devenir hégémonique sur le continent, sous peine de voir le
Royaume-Uni marginalisé ou menacé. Cette doctrine se retrouve dans la
géopolitique britannique depuis, notamment sur les questions contemporaines de
l'Union européenne. Ainsi, le Royaume-Uni se lance dans la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748), s'opposant au roi de France Louis XV. Si le Royaume-Uni possède l'une des
plus puissantes marines de guerre du monde, elle ne détient qu'une minuscule
armée de terre, ce qui la pousse à nouer des alliances sur le continent pour
entraver la montée en puissance d'un pays ou d'un autre. La France, à
l'inverse, s'avère incapable de régner en maître sur les mers, mais sa
puissance terrestre demeure incontestable, ce qui la rend d'autant plus
redoutable pour les puissances européennes continentales. Les guerres entre la
France et le Royaume-Uni sont toutefois, à cette période, des guerres pour le
contrôle de l'Europe et/ou du monde. Si la France possède une influence
européenne majeure, le Royaume-Uni est indétrônable quant aux questions
maritimes, commerciales et coloniales.
L'expansion coloniale
Depuis les années 1650,
le Nouveau-Monde est devenu un théâtre de conflits entre les deux
superpuissances. Le dessein d'Olivier Cromwell d'augmenter la présence
britannique à l'Ouest, et notamment en Amérique du Nord, commence ainsi avec
l'acquisition de la Jamaïque auprès des Espagnols, en 1652. Les premières
installations britanniques en Amérique du Nord datent de 1607 et, vers 1730,
sont devenus treize
colonies séparées.
Les Français, quant à
eux, s'établissent au Canada, le long du Mississippi et dans les Caraïbes. Ils
détiennent ainsi Saint-Domingue,
la plus prospère des colonies du monde. Les deux pays reconnaissant volontiers
le potentiel commercial de l'Inde, décident d'installer des comptoirs
commerciaux. Les guerres entre France et Royaume-Uni se déroulent ainsi en
Europe, mais aussi en Amérique du Nord et en Asie.
La guerre de Sept-Ans (1754-1763)
La guerre de Sept-Ans est souvent
appelée "première guerre mondiale" du fait de combats en Europe, en
Asie et en Amérique du Nord. Elle oppose la Prusse, puissance montante du XVIIIe siècle,
et alliée au Royaume-Uni, à une coalition menée par la France et composée de
l'Autriche, de la Russie, de la Saxe, de la Pologne et de la Suède. Si la
guerre se déroule surtout en Allemagne et en Bohême, France et Royaume-Uni
s'affrontent pour le contrôle des colonies américaines. La victoire
britannique, en 1763, qui se solde par l'acquisition de larges territoires en
Amérique du Nord, en Inde et dans les Caraïbes est perçue comme la victoire
d'un monde anglo-saxon où les Anglais en seraient les maîtres. L'humiliation
est totale en France et va avoir de graves conséquences pour la suite des
relations entre les deux pays.
Les guerres napoléoniennes qui n'en
finissent pas suivront et prolongeront l'antagonisme entre les insulaires et
les continentaux et c'est cette peur de l'Europe, même en ces temps de paix et
l'amour de leur souveraineté qui poussent, ces jours-ci, les britanniques à ce
Brexit dont on parle tant.
En conclusion, Cette force de dominer
le monde qui a toujours caractérisé les peuples anglo-saxons se matérialise par
l’occupation des meilleurs et des plus vastes territoires de cette planète
(Amérique du nord, Australie, Nouvelle Zélande) et c’est ce même esprit qui
empêche les anglais, aujourd’hui, d’être sous l’autorité d’une union européenne
qui mettra encore longtemps avant de se souder étant donné que le radicalisme,
le nationalisme, le chauvinisme et l’extrémisme racial apparaissent de plus
belle partout dans le monde et chez tous les peuples de la terre.
Mohamed A. Lehreitani
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