Edito

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dimanche 26 juin 2016

Contribution à un débat : Le partage dans l’égalité et l’efficacité pour faire face à la crise structurelle de l’Etat :

Par Sidi Mohamed Ould Khattry

Ce document a fait l'objet d'une large diffusion et a donné lieu à des débats très instructifs notamment sur le réseau social facebook où il fait la une encore. 

En 2005, face à la grave crise politique qui a mené le pays à deux doigts de la guerre civile, j'avais averti à peu prés en ces termes:

Notre pays se trouve à la croisée des chemins !


Miné par une crise politique et morale sans précédent ( dictature déguisée, corruption et démission collective), qui frappe indifféremment élites et bases sociale, subissant l’influence néfaste d’oligarchies tribales dont la devise semble être « après nous le déluge », victime d’une grave fracture communautaire consécutive aux tragédies de 89-90, cerné de toute part par les doléances de dynamiques sociales inédite, incapable d’assumer sa vocation d’espace de régulation et de solidarité , l’Etat , qu’ on savait, en crise depuis sa création à cause du caractère exogène et mimétique du projet national initial , se retrouve, désormais dans une impasse ; En quelque sorte une atmosphère « d’un chacun pour soit ! », autre formule pour dire un imminent « sauve qui peut !» 


Cette dérive , sur fond de dictature déguisée, de répression politique et de mépris du sacré, nous place devant deux termes de choix décisifs: Soit se résigner à la fatalité, disant ce pays sans avenir pour s’en remettre aux pratiques de survies et de passage de cap de tout genre comme celles réduisant la pratique du politique aux manœuvres et aux tactiques sécuritaires de court terme, avec ce que cette perpétuelle remise à plus tard de l’essentiel , comporte en terme de périls évidents pour les générations présentes et futures ; L’autre possibilité étant de regarder les réalités en face pour tirer la conclusion inévitable : La préservation de l’avenir du pays ne peut plus faire l’économie d’une reforme radicale de l’Etat basée sur une nouvelle clé de répartition du politique , de l’économique et du social comme seul moyen pour nous remettre sur les rails d’un consensus social et politique durable. »

A l’époque, personne n’avait cru bon de tenir compte de cette mise garde. Probablement que certains l’ont même tourné en dérision.

Quelques mois plus tard, survint le coup d’Etat d’Aout 2005, 


De 2005 à 2008 ,Malgré le climat de liberté instauré, le pays ne tarda pas à sombrer une nouvelle fois dans une autre crise politique généralisée, au cours de laquelle chacune des parties en conflit cherchait à asseoir sa mainmise sur le pouvoir. Cette crise, après maintes péripéties dont certaines frôlèrent le drame, trouvera, heureusement, son dénouement à l’issue des accord de Dakar qui aboutirent à l’organisation d’élections démocratiques sanctionnées par la victoire de l’actuel Président Mohamed Ould Abd El Aziz, 

De 2008 à aujourd’hui, ce dernier réélu entre temps , est parvenu grâce à une série de politiques et n’initiatives courageuses à remettre à flots la barque nationale ressuscitant ainsi un espoir que beaucoup avaient perdus.

Maintenant il s’agit de passer à une seconde phase qui consiste à s’attaquer de front à l’autre crise , la gravissime crise structurelle qui ronge le pays depuis des décennies L’ouverture de ce front est inévitable à partir du moment où on aura compris que les dynamiques sociales à l’œuvre rendent caducs à la fois le statut quo actuel et la clé de répartition du politique, de l’économique et du social adoptée depuis 1960.
I- La genèse
Pour proclamer l'Indépendance nationale, le 28 Novembre 1960, le Président Mokhtar se vêtit d'un smoking et s'exprima en français. Ces détails symboliques, avec beaucoup d'autres sur lesquels je ne reviens pas ici, illustrent le fait que l'embryon de l'élite fondatrice s'est, à tort ou à raison, positionné, dès les départ, en faveur d'un projet d'Etat national moderne, conçu sur deux postulats majeurs : la mauritanité, en tant qu'identité de synthèse nationale, et l'égalité citoyenne, toutes deux, valeurs antinomiques avec celles de l'imaginaire de l'ordre féodal et ses hiérarchies alors dominant. 

Face à l’absence effective d’un quelconque enracinement de la culture citoyenne et du sentiment d’une identifié nationale fédératrice, le Président Mohktar et ses « coéquipiers », comme il aime à les qualifier, ne s'épargnèrent aucun effort dans l’espoir de réussir la greffe institutionnelle du nouvel Etat mimétique. Mû par une pugnacité et un enthousiasme exceptionnels, le nouveau gouvernement lança, en parallèle à son offensive diplomatique visant la reconnaissance internationale, une rude bataille sur le front intérieur, en vue de s'affirmer à une population totalement étrangère au nouveau paradigme national.
• En matière de souveraineté interne et malgré l'extrême faiblesse de ses ressources humaines et financières, le nouvel Etat s'attela à affermir son emprise sur l'immense territoire de la jeune république. L'armée nationale, les forces de sécurité et Radio-Mauritanie furent fondées à cet effet, sans qu'on oubliât, pour autant, de multiplier les services de proximité, de la nouvelle administration territoriale naissante.
• Sur le plan idéologique, les nouvelles autorités militèrent, très tôt, en faveur d'une évolution des mentalités propice à l'émergence d'une prise de conscience de l'identité nationale et de la citoyenneté, tout en prenant soin, conjoncture oblige, de ne pas aller à l'affrontement direct avec les féodalités tribales et villageoises, dominantes à l'époque.

Au tout début, l'impact de ces politiques fut timide, voire négligeable. L'intégrité de l'organisation socio-économique traditionnelle restait intacte : au plan économique, la production agropastorale demeurait l'unique moyen de reproduction de la société, en totale indépendance vis-à-vis du fort démuni nouvel Etat. Au plan de la conscience sociale, les couches dominantes gardaient pleine conviction d'être parfaitement dans leur droits, celles du bas de la pyramide continuaient, ignorance et misère obligent, à considérer leur dépendance comme normale et allant de soi.

Il faudra attendre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix pour voir l'aventure nationale connaître un saut qualitatif décisif, grâce à la conjugaison de deux facteurs dont les effets ébranlèrent sérieusement l'ordre traditionnel, tant en ses fondements économiques qu'idéologiques.

Tout d'abord, la terrible sécheresse qui frappa le pays entier, dès la fin des années soixante. Cette catastrophe porta un coup sévère aux supports économiques du système agropastoral, obligeant les populations à se regrouper autour du nouvel Etat, devenu l'unique garant de leur survie, par le biais de l'aide alimentaire (l’Isaav).

L'autre facteur aura été l'extraordinaire activisme du mouvement des Kadihines qui réussit, de manière surprenante et en seulement quelque années, à impulser une rapide évolution des mentalités vers l'émergence d'une prise de conscience, tant de l'identité nationale que de la nécessité de l'égalité citoyenne.


L'impact de ces importantes évolutions fut considérablement amplifié par la nationalisation de la MIFERMA et l'afflux de capitaux étrangers, principalement moyen-orientaux, fruits du dynamisme exceptionnel de notre diplomatie de l'époque.

C'est ce moment que, se sentant les coudées franches, le Président Mokhtar choisit pour engager, ouvertement cette fois, la lutte contre l'influence féodale de l'ordre tribal et villageois - ce dernier qualificatif pointant les féodalités de notre Sud - où l'on naissait et mourait de condition, soit noble, soit servile. Grace à une série d’initiatives politiques idéologiques , économiques et sociales le pays se trouva engagé dans un élan décisif de progrès.

Et c'est ainsi qu'on assista, au milieu des années soixante-dix, à une Mauritanie en pleine transformation socio-économique.

II- La crise : Premier temps

Hélas ! Ces dynamiques d’émergence de pratiques et de culture citoyennes, qui sont, avant tout, il faut le reconnaitre le résultat d’initiatives subjectives d’élites fortement influencées par l’environnement international de l’époque, seront stoppées, net, par le déclenchement de la guerre du Sahara et par le coup d'Etat qui s'en suivit, en 1978.

A partir de cette date, dictatures militaires et réalités socio historiques aidant, l'influence du tribalisme et du féodalisme villageois au sud va renouer avec toute sa superbe. La démocratisation politique poussera cette régression à son paroxysme. Le volontarisme des élites fondatrices céda la place à un pragmatisme sans relief et sans ambition pour le jugement de l'Histoire, où le souci sécuritaire, le despotisme et les mascarades de toutes sortes mirent en pièce le saut citoyen ainsi que tous les autres acquis des vingt premières années de l'indépendance nationale.

Désormais, chaque gouvernement va s'appuyer sur sa combinaison de relais tribaux du moment. En contrepartie, ces oligarchies tribales et villageoises avec à leurs cotés des élites corrompues se verront reconnaître un rôle d'intermédiaire et d'interface incontournable, entre le citoyen et l'Etat. Ce qui leur ouvrit la voie à toutes sortes de facilités : détournement, à leur profit, de l'essentiel des ressources économiques, à la fois au niveau de l'investissement et de la répartition, en passant par les nominations, l'emploi, les bourses d'études, l'accès aux services de bases et jusqu'à la distribution de l'aide alimentaire.

La série d'initiatives tribales que notre scène politique a connue, tout dernièrement, s'inscrit bel et bien dans cette logique féodale qui persiste à vouloir investir tous les rouages de l'Etat. Ces oligarchies cherchant, à nouveau, à convaincre chaque mauritanien qu'elles demeurent un relai obligé, pour tout élément ou groupe de la tribu en quête de droits et de faveurs tout en signifiant, à l'Etat, qu'elles seraient toujours les seuls maîtres et juges du verdict des urnes.

Les effets de cette grave régression qu'on vient d’évoquer se conjuguent avec ceux d’une autre crise beaucoup plus grave à savoir la crise morale sans précédent dans laquelle se débat le pays depuis quelques décennies.

Au niveau social, l'exode rural consécutif aux sécheresses successives sera amplifié par la fascination exercée par la ville que ca soit par besoin de scolariser ses enfants ou dans l’espoir d'améliorer son standing de vie. Face à ce mouvement de sédentarisation rapide, l’économie nationale naissante se révéla incapable d’offrir des conditions de vie convenables par l'accès à la fois, au revenu et aux divers services collectifs de base. Ce qui ouvrit la voie devant une ère de bidonvilisation et de pauvreté structurelle qui mit à rudes épreuves l’intégrité du système normatif traditionnel. Progressivement, notre archétype religieux et culturel où comme chacun sait le sens éthique était déterminant perdit de son ressort au profit des impératifs d'une culture de nécessité (edderoura) où le passe droit et les adaptations en conséquence allaient devenir les principales stratégies de survie au quotidien. C’est cette « clochardisation » de la société conjuguée avec les effets du peu d’enracinement de la culture citoyenne et du sentiment d’une identifié nationale fédératrice, qui expliquent en grande partie le fait qu’aucun des régimes politiques successifs n’a eu à affronter la sanction populaire sous forme de véritable demande démocratique ou d’exigence de moralisation de la vie publique. En quelque sorte, une société spectatrice qui laisse aux dynamiques de l’environnement international et à ces considérations géopolitiques le soin de déterminer la nature et le degré d’ouverture de chaque nouvelle équipe dirigeante.

Un autre aspect , beaucoup plus déterminant de cette crise morale est venu frapper de plein fouet, une majorité de nos élites nationales. A leur tour, celles ci vont succomber progressivement à la tentation de la corruption, rompant ainsi avec le volontarisme et l’intégrité morale des pères fondateurs, et des courants idéologiques post indépendance. Incapables de couvrir par le revenu légal un standard de consommation copié la plupart du temps sur ceux des pays développés, placés sous pressions par des sollicitations sociales et politiques intenables, rassurés par rapport au regard dévalorisant du groupe, ces élites, en majorité issues des milieux féodaux vont plonger corps et âme dans l’univers de la malversation. Le détournement des deniers publics, les faveurs à caractère de situations de rente obtenues sur le dos de l’Etat, les trafics d’influences de toute sorte deviennent les principaux leviers de promotion sociale au sein de cette étrange époque qui sacre les filous prétendants au gouvernail du bateau national.

Aux effets de cette double crise morale, de cette ère de passe droit et d’impunité concomitante avec ceux, aussi néfastes du tribalisme et du féodalisme villageois, sont venus se juxtaposer les dangers du clivage communautaire qui a atteint des niveaux de rupture sans précédents suite aux catastrophiques événements de 89-90 qui faillirent précipiter le pays dans la guerre civile. 

Par ailleurs, on constate que du fait de l’absence de visions stratégiques chez la plus part des régimes qui se sont succédés depuis 1978, le politique, ce noble art de la gestion de la cité, se verra réduit aux rapiéçage de court terme et à une focalisation sur une accession au pouvoir dont chacun sait l’inconséquence du contenu à cause justement du manque d’une volonté politique disposée à affronter ouvertement cette crise multiforme par crainte de la réaction d’un environnement moral et social dégénéré qui s’acharne à imposer à chacun et en premier lieu à la tète de l’Etat son pragmatisme et ses mentalités malsaines et dévoyées. 

Outre les dégâts énormes , entre autres, sociaux, politiques économiques et culturels consécutifs à ce constat sans appel et au sujet desquels il est inutile de répéter ce que chacun sait, on constate que le pays s’enfonce d’un cran dans cette fuite en avant. Cette fois ci sous la forme de la menace afférente aux dynamiques sociales inédites actuellement à l’œuvre lesquelles sont caractérisées par un début d’atomisation identitaire, inductrice à terme de haines et de confrontations aux conséquences incalculables.

III- la crise : deuxième temps

Comme ce fut le cas tout au long des premières années de l'Indépendance, l'égalité citoyenne dont se revendique la république demeurera de l'ordre du slogan, inoffensif et superficiel, tant que l'environnement social, toutes classes confondues, continuera à se reconnaître dans la structure idéologique inégalitaire du système féodal traditionnel où le sang et l'hérédité déterminent, une fois pour toutes, le rôle et la position de chacun.

Mais, lorsque cette égalité citoyenne devient revendication récurrente ; c'est-à-dire, conscience sociale active comme c'est le cas actuellement ; on ne doit plus, on ne peut plus, de crainte de l'irréparable, esquiver la prévention du risque, sous prétexte que l'urne n'exprime, pas encore, le degré de cette surchauffe qui précède l’explosion.

Or, que constate-t-on ?
Que de plus en plus, d’oubliés et de laissés pour compte osent relever la tète. Que de nouvelles dynamiques surgies du sein et des périphéries de cette société en crise, sont en train de reprendre le flambeau de la lutte pour l’avènement d’une nouvelle clé de répartition du politique, du social et de l’économiques qui démantèle les formules de monopole et d’exclusion adoptées jusqu’ici.




Cette saison qui rugit et fulmine, on en voit les signes précurseurs. Pas une seule tribu ou village du Sud d'où émane une revendication d'égalité sociale endogène, de la part des anciens assujettis, sous la forme d'une demande de « teben ammite » , tous convaincus de ce que l'hérédité et le sang ont déjà définitivement « boulonné » chacun à sa place prédestinée. Dorénavant, ces couches dépendantes placent leurs espoirs ailleurs. Aujourd'hui sur les pancartes - demain sur les étendards, qui sait ? - on voit inscrits « hartani, forgeron, aznagui, mathioudo, toutes expressions, en surface, de particularismes étroits, surgis du terreau de la frustration et de la révolte contre un système et un ordre dorénavant compris et ressenti comme injuste et insupportable ; Tandis qu’en réalité, ces doléances constituent, passions mises à part, le prélude annonciateur d’un raz le bol généralisé de toutes les couches marginalisées face à la faillite de l’Etat à assumer sa vocation d’espace de régulation de partage et de solidarité, au dessus et au service de tous .

Nous voilà donc face à une autre grave crise dont les effets viennent envenimer ceux des graves ruptures évoquées précédemment. 

Désormais la boucle est bouclée à moins que nous consentons à oser un sursaut à la mesure de la menace du volcan qui bouillonne sous nos pieds. Ce qui exige de s’extirper de cette atmosphère d'incertitude et de doute où la décadence morale en dispute à la myopie, pour ne pas dire la plus totale cécité, toutes choses synonymes, par ailleurs, avec les nécessités d'un court terme réduit à un « Après nous, le déluge ».


VI – QUE FAIRE

Dans mon entendement, il ne s'agit pas de se rabattre sur des propositions théoriques qui ne nous avanceraient à rien.

L’importance des enjeux exige de porter le débat sur un terrain plus décisif et plus concret à même d’interpeler notre sens de la responsabilités. C’est à cette fin que je débute par en appeler à cet instinct de conservation inné chez chacun. 

Aussi paradoxal que cela apparait ; je commencerai par demander d’imaginer ne serait-ce qu’un instant ce qui adviendrait de vous, de vos enfants et petits enfant si le pays reste lancé sur la trajectoire actuelle. Une fois cet test de prospective effectué, je ne me fais aucun doute que la majorité d’entre vous en sortiront avec un froid au dos. Et en conséquence qu’ils seront définitivement convaincus de l’urgence de négocier une transition pacifique et consensuelle capable d’accompagner le trend de cette histoire désormais nerveuse et contractée. 

C’est dans ce cadre qu’intervient ma présente proposition . Concrètement, il s’agit d’introduire des reformes radicales en instrumentalisant tous les leviers dont dispose l’Etat et quels leviers (volonté politique, ressources économiques, finances, moyens de communication, culture, école, administration, justice et monopole de la force) en faveur de politiques volontaristes et courageuses qui garantissent et sécurisent, à terme, ce passage difficile de notre histoire, c'est-à-dire, comme on le constate, tout sauf une révolution ou un saut dans l'inconnu.

Mais avant de renter dans les détails des proposition, il y a lieu d’attirer l’attention sur un certain nombre de préalables dont le respect conditionne de mon point de vue la réussite ou non de cette reforme stratégique. Ces préalables interpellent avant tout notre classe politique et à sa tête le Président de la République en tant que Premier Personnage de l’Etat:

• Une prise de conscience du caractère gravissime de l’étape historique que traverse le pays. Ce constat gagnerait à s’appuyer sur une conviction philosophique comme quoi la création de l’histoire peut être influencée et accélérée par l’initiative subjective. 

• un discours où la volonté politique pointe, pour tous, le virage à prendre.
• un nouvel esprit à insuffler aux politiques mises ou à mettre en œuvre. Esprit qui, sans ignorer les inévitables concessions dictées par la raison d'Etat et la « real politique », doit signifier, globalement et pour tous, que la loi est, soit respectée, soit abrogée, mais pas contournée.
• Un entourage de femmes et d'hommes alliant la rigueur morale à la compétence et au patriotisme, c'est-à-dire à la fois disciplinés et capables de concevoir, conseiller et mettre en œuvre.
• Une disposition de la part de tous à la concertation et au dialogue que doivent civiliser et pacifier en toutes circonstances, une rupture avec la vulgarité de la culture régnante de l’apologie et de l’anathème au profit du rapport convivial et du contact de proximité entre tous nos leaders d’opinions
• Une prise de conscience radicale du fait que seul l’Etat peut chaque fois qu’il le veut. Et par déduction que les oligarchies tribales et les élites corrompues n'ont d'influence que ce que celui-ci veut bien leur reconnaitre. S’agissant des chefferies tribales et villageoises, on sait maintenant qu’aucune d’elle , aussi puissante fut-elle, ne détient, désormais , les moyens de reproduire et d'entretenir son influence locale, tant économiquement que symboliquement. Ce constat est l’aboutissement de la conjugaison de plusieurs facteurs parmi lesquels ont peut citer: la déstructuration irréversible, pour ne pas dire la disparition, des supports économiques du système traditionnel ; la suprématie du rôle social et économique de l'Etat, dans un pays à faible niveau d'accumulation de capital privé ; l'intégration, progressive, de la majorité de la population aux exigences d'un imaginaire fortement influencé par la culture de consommation et enfin l'évolution des mentalités, consécutive au développement de l'accès aux moyens de l'information et au savoir. C’est tout cela qui fait que ce sont désormais les impératifs économiques et financiers qui mènent, loin devant, la définition des priorités de la plupart des Mauritaniens. Et, certainement, bien avant les implications de l'Assabiya. 

Quelles reformes ?
J’en identifie ici une série qui gagnerait à être enrichie et approfondie à l’issue par exemple d’assises nationales ouvertes devant toutes les forces vives du pays en vue de débattre de notre avenir commun ;
(1) La lutte contre la corruption ; le Partage et la cohabitation harmonieuse sont dangereusement compromis à partir du moment où une infime minorité s’accapare l’essentiel du patrimoine national par de multiples procédés de passe droit et ce d’autant plus que les laissés pour compte osent enfin élever la voie. D’où LA NECESSITE D’UNE LUTTE RADICALE CONTRE LA CORRUPTION, ce phénomène qui constitue l’ossature de la crise morale généralisée que connait le pays depuis plusieurs décennies. 
Cette lutte CONDITIONNE la RÉUSSITE DE TOUTES LES AUTRES POLITIQUES MISES OU À METTRE EN ŒUVRE.

On sait que ces dernières années ; des efforts louables ont été accomplis dans ce sens. Mais vu l’ampleur du phénomène et son enracinement devenu quasi culturel, c’est d’une guerre généralisée et sans merci qu’il faut comme celle qui a permis en quelques années au Ghana de devenir un pays quasi émergent. 

Parmi les mesures recommandées ;
La promulgation et l’application rigoureuse de lois rétroactives anti corruption comportant des sanctions exemplaires qui peuvent aller, vu la gravité du phénomène jusqu’à la peine capitale pour les crimes économiques avérés. Ce combat doit englober, en plus du détournement direct des deniers publics, toutes les faveurs à caractère de situation rente qui ont permis, à quelques groupuscules de s'enrichir, de manière occulte et en si peu de temps, sur le dos du peuple mauritanien.

  • La purge du système judiciaire et de l’administration, tous niveaux confondus, des nombreux réseaux corrompus qui se dressent obstacles devant la bonne marche de ces importants services publics.
  • La motivation de l’intégrité morale et de la compétence en matière de gestion de la chose publique.
  • Une plus grande implication de la jeunesse pour contrecarrer l'emprise de certains segments corrompus de notre élite chez qui la malversation est devenue une culture et une mentalité.
  • La promotion d’une communication efficace autour de cette grave problématique.
Et si cela s’avère nécessaire, casser les tabous et oser Le recours au services d’une expertise-conseil-appui internationales en la matière (organisations internationales et pays amis) 


(2) L’optimisation du rendement des ressources humaines : la compétence conçoit gère et suit. Le sens moral responsabilise. Le favoritisme, le népotisme et le clientélisme s’opposent par médiocrité interposée à la première valeur et la corruption à la seconde . D’où la nécessité d’un autre sursaut à ce niveau. Il s’agit de faire jouer au mérite et à la compétence le rôle qui est le leur dans la construction du pays. Ce second chantier n’a rien à envier au premier en matière d’urgence et de nécessité. 

(3) Le développement économique; Penser le développement de façon à ce que l'allocation des ressources économiques et financière se fasse sur la base des impératifs de celui-ci et de ceux de l'aménagement harmonieux du Territoire, tout en y introduisant une discrimination positive, appelée à consolider les effets de la lutte contre la précarité transversale qu'on rencontre dans tous les milieux sociaux.

(4) L’évolution des mentalités : Renforcer et préserver les acquis en matière de libertés individuelles et politiques question d’accélérer l’évolution des mentalités a travers une internalisation progressive mais rapide de la culture citoyenne. 

(5) La décision et le contrôle ; Consolider et veiller à la séparation des pouvoirs question de mieux responsabiliser et de mieux contrôler.

(6) L’offre de service administratif : Offrir un service administratif de proximité qui garantisse un rapport direct entre l'administré et l'administrateur

(7) Aménagement de l’environnement institutionnel : Introduire, en concertation avec les principaux acteurs politique ainsi qu'avec la société civile, les aménagements constitutionnels, institutionnels et juridiques pouvant renforcer ces importantes évolutions.

(8) Stratégie culturelle :Initier une politique culturelle et une communication axées sur la vulgarisation et la promotion de la culture citoyenne en termes de libertés, de fraternité, d’égalité, de solidarité et de tolérance tout en dénonçant farouchement le racisme, les séquelles de l’esclavage, tribalisme, le népotisme et le clientélisme. Ces politiques doivent servir de vecteurs d'interpénétration et d'acceptation mutuelle, où le rôle de cheville ouvrière doit revenir à la jeunesse. Cette stratégie culturelle doit puiser sa thématique simultanément dans notre culture musulmane où la solidarité marche de pair avec la transcendance, que dans le paradigme moderne où la démocratie rime avec l’égalité. Pour cela, faire en sorte pour que les supports de communication disponibles (Radio, télévision, presse écrite, écoles, campagnes d'affichage, festivals, ateliers de sensibilisation ou autres.) soient mis à contribution pour véhiculer ce parti pris national, rompant ainsi avec leurs habitudes d’être des portes voix au services de festivals et de carnavals tribaux et régionaux creux , burlesques et diviseurs.

(9) Stratégie de l’éducation et de l’enseignement : En finir, le plus rapidement possible, avec cet enseignement embastillé et à deux vitesses où l'acquisition des connaissances reste l'apanage d'une minorité tandis que la très grande majorité de nos enfants finissent livrés au chômage et à la délinquance. 

En finir avec cet enseignement où, caricaturées, la pédagogie et l'éducation civique échouent à insuffler un quelconque sentiment de fraternité et de destin commun.

Cette reforme radicale exige de penser cette éducation et cet enseignement sans égards aucuns pour la pression et l’ influence des lobby d’intérêts. 

(10) Discrimination positive : persévérer dans les efforts, ciblant, particulièrement, la lutte contre les séquelles de l'esclavage.

Telle est de mon modeste point de vue une somme de politiques non exhaustives que notre pays doit mettre en œuvre si nous voulons faire face à la crise structurelle que traverse le pays. Tels sont me semble-t-il le prix et le sacrifice à consentir pour que l’essentiel des différentiations socio économiques s’effectue sur la base de la solidarité, du mérite et de l’effort, le tout sur fond de liberté politique, de dialogue et de concessions mutuelle. En un mot un pari sur l’avènement d’un Etat de droit bâti sur les principes républicains de l’honneur, de la fraternité et de la justice autre expression pour dire un Etat bâti sur une nouvelle clé de répartition du politique, de l’économique et du social dont le maitre mot devient le partage dans l’égalité et l’efficacité.

Sidi Mohamed Khattry




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