Edito

L'information est sacrée, le commentaire est libre !

lundi 27 juin 2016

No Brentry, yes Brexit ! par Mohamed A. Lehreitani



 Parler de Brexit, c’est déformer, en quelque sorte, la réalité de la Grande Bretagne puisque ce pays n’a jamais entamé complètement son Brentry,  si on peut s’exprimer ainsi, dans l’union européenne. Les anglais ont toujours été « allergique » au continent européen et l’histoire leurs a le plus souvent donné raison.

Remontons un millénaire et quelques siècles en arrière pour voir que les anglais ont parfaitement raison de craindre cette Europe continentale.

L’époque romaine.




Quand Jules César envahit la Gaule, il dût faire face à certains alliés bretons insulaires des Gaulois. Ces peuples sont celtes, et non francs ou anglo-saxons, des ethnies et des peuples qui restent hors de portée de la République puis de l'Empire romain. Résultat de cette alliance celte, César tenta l'invasion de la Bretagne, sans succès. Cependant, la Gaule et la future Belgique furent conquises et transformées en provinces romaines. Plus tard, avec les empereurs romains, la Bretagne sera définitivement conquise et transformée, elle aussi, en province romaine.

Pendant presque cinq siècles, Bretagne et Gaule furent le théâtre d’interactions régulières, tant au niveau de la culture que du commerce, le tout, sous l'égide impériale. Cependant, la chute de l'Empire romain d'Occident, au cinquième siècle, entraîna une rupture entre deux territoires envahis par des peuples germaniques différents : les Francs pour la Gaule, les Angles et les Saxons pour la Bretagne. Le christianisme l'emporta sur les anciennes croyances celtes et les Germains adoptèrent cette nouvelle religion. Jusqu'au début du second millénaire, les relations franco-britanniques sont faibles du fait de l'isolationnisme des Britanniques (centrés sur leur île) et des Francs (tournés vers l'Europe continentale).

Guillaume le Conquérant
En 1066, les relations franco-britanniques prennent un tournant inattendu. Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, alors vassal du roi de France, décide de revendiquer la couronne anglaise qu'il juge la sienne. Il se lance à la conquête des îles britanniques et parvient à remporter le titre de roi d'Angleterre. Désormais, Guillaume le Conquérant possède plus de puissance et de territoires que son suzerain, le roi de France. La structure féodale de la société normande s'implanta en Angleterre et transforma cette société. Libérés des devoirs envers leur suzerain français, les rois d'Angleterre jouissent d'une liberté nouvelle qui ne tardera pas à déboucher sur un conflit récurrent entre la France et l'Angleterre. C’est ainsi que naquirent les guerres entre ces deux pays.

Après la mort du roi Philippe Ier de France, son fils Louis VI tente de récupérer la Normandie, arguant que le roi d'Angleterre, en ne respectant pas l'autorité de son suzerain, est un vassal félon. Les Français sont vaincus en 1119 et le roi de France est obligé de laisser la Normandie à l'Angleterre. Son fils, Louis VII sera au centre de la première grande guerre entre France et Angleterre. Marié à Aliénor d'Aquitaine, héritière du duché d'Aquitaine, sous le règne de son père, Louis se sépare de celle-ci qui se remarie aussi tôt avec le futur roi d'Angleterre, Henri Plantagenêt, comte d'Anjou, du Maine et duc de Normandie. La France est amputée d'un énorme tiers de son territoire. Capétiens et Plantagenêt se lancent dans une série de guerre qui va façonner les relations franco-britanniques pour des siècles.

Philippe II de France, fils de Louis VII, décide de diviser les Anglais pour récupérer les possessions continentales de l'Angleterre. Il profite de la mort de Richard Cœur de Lion pour déclencher une guerre contre Jean sans Terre. Il parvient, malgré la coalition de l'Angleterre et du Saint-Empire romain germanique, à vaincre ses ennemis à Bouvines, en 1214. La victoire est telle que l'autorité royale est restaurée et les territoires occidentaux de la France, retrouvés, Normandie comprise qui intègre le domaine royal. Le fils de Philippe Auguste, Louis VIII, parvient à reprendre l'Aunis et le Poitou aux Anglais.
La guerre de Cent-Ans (1337 - 1453)
Au début du XIVe siècle, le Royaume de France connaît une crise de succession. Les trois fils de Charles IV le Bel sont morts sans héritiers masculins. Philippe de Valois est alors désigné par les grands seigneurs français pour devenir roi de France sous le nom de Philippe VI de France car il est le neveu de Philippe le Bel et le cousin des derniers rois. Isabelle, fille de Philippe le Bel, est écartée de la succession à la mort de ses frères au nom de la loi salique qui interdit à une femme de régner. Elle a épousé le roi d'Angleterre et donné naissance à un fils : Edouard III d'Angleterre. Ce dernier est donc le petit-fils de Philippe le Bel et neveu des derniers rois. Il estime, à ce titre, avoir le droit de devenir roi de France et conteste l'autorité des Capétiens-Valois. À la veille de la guerre, le roi d'Angleterre est aussi le vassal du roi de France pour ses fiefs de Guyenne où les agents du roi de France ne cessent de lui causer des ennuis. En 1337, le roi de France, Philippe VI s'empare du duché de Guyenne à la suite du défi d'Édouard III. C'est le début de la guerre de Cent Ans.

Le conflit se décompose en quatre phases distinctes. De 1337 à 1360, les défaites s'accumulent pour la France. Ils perdent la bataille navale d'Ecluse (1340) qui laisse les Anglais libres de leurs mouvements entre l'île britannique et le continent européen. Face à Edouard III, Philippe VI perd la bataille de Crécy (1346) et de Calais (1347) qui devient un port anglais. En 1355, le « Prince noir », fils d'Edouard III, se lance à l'assaut de Paris depuis Bordeaux. Le roi de France, Jean II le Bon, se lance à sa rencontre mais est fait prisonnier par les Anglais, emmené à Londres. Il est contraint d'accepter la signature du traité de Brétigny, en 1360. La France cède à l'Angleterre le duché de Guyenne agrandi en échange du renoncement d'Edouard III à la couronne française. La mort de Jean II conduit son fils, Charles V, à reprendre les hostilités avec les Anglais. Les Anglais reculent et cèdent une grande partie de l'Aquitaine : c'est la seconde phase du conflit, de 1360 à 1386.

Frappé de crises de folies, Charles VI de France, fils de Charles V, laisse à son entourage le temps de s'entre-déchirer pour le pouvoir. Le pays sombre dans la guerre civile qui oppose les Armagnacs (partisans du dauphin Charles) et les Bourguignons (partisans du duc de Bourgogne, cousin du roi soutenu par la reine). Les Bourguignons s'allient finalement aux Anglais, en 1414. En 1415, la chevalerie française est défaite lors de la bataille d'Azincourt et le roi d'Angleterre Henri V conquiert tout le nord de la France ainsi que Paris. Le traité de Troyes, signé en 1420, déshérite le dauphin Charles. Le roi de France marie sa fille à Henri V qui est désormais reconnu comme régent de France et héritier du trône. Le nord-est du pays est sous domination bourguignonne et seules les régions du sud obéissent au dauphin Charles qui à la mort de son père, en 1422, prend le titre de roi de France (Charles VII).

Vient alors la quatrième et dernière phase de la guerre de Cent-Ans : la victoire finale du roi de France. En 1428, les Anglais font le siège de la ville d'Orléans, favorable au roi Charles VII et qui tient le passage de la Loire. Jeanne d'Arc, jeune fille de Lorraine, va trouver le roi à Chinon. Elle le convainc de lui confier les troupes qui vont délivrer Orléans. Les Anglais reculent vers le nord et le roi est sacré à Reims, en 1429. Jeanne d'Arc tente de s'emparer de Paris, qui la repousse, avant d'être capturée par les Bourguignons à Compiègne. Elle est ensuite livrée aux Anglais qui la jugent à Rouen avant de la brûler vive, en 1431. Charles VII, quant à lui, réorganise son armée et finit par reprendre Paris (1436), la Normandie (1450) et la Guyenne (1453). Les Anglais ne conservent plus que Calais.

La guerre de Cent-Ans est l'élément central des relations franco-britanniques : les Français concrétisent le sentiment national né à Bouvines quelque deux siècles plus tôt, derrière la figure de Jeanne d'Arc. Mais l'impression que l'Angleterre est un « ennemi héréditaire » de la France se fait de plus en plus forte au sein de la population française. Quant à l'Angleterre, elle ressort humiliée de cette longue série de guerre, ayant perdu presque toutes ses terres européennes. La royauté anglaise, fragilisée, entre en crise. La guerre des Deux-Roses va anéantir le travail des précédents rois d'Angleterre : l'Angleterre est affaiblie et les Plantagenêt sont remplacés par les Tudors. La France devient un adversaire redoutable qu'il faut à tout prix contenir.
La période moderne : France et Angleterre deviennent des puissances mondiales concurrentes
La Renaissance est marquée par de nombreux conflits qui voient s'opposer les Anglais aux Français, notamment les guerres italiennes, en 1494 et 1559. Une nouvelle scission vient aggraver les relations franco-anglaises : la Réforme. Les Anglais deviennent protestants, les Français demeurent catholiques. La guerre politique entre les deux nations devient une guerre religieuse. Cependant, les deux pays sont souvent en position de guerres civiles sur fond de tensions religieuses, ce qui restreint leurs affrontements directs. Cependant, la prise de pouvoir des Bourbons, dont la figure de proue est Henri IV de France et de Navarre, va bouleverser davantage les relations franco-anglaises : la monarchie française devient très puissante, le pays est unifié et pacifié. La France devient un adversaire de premier ordre, d'autant plus que le déclin des monarchies espagnoles et portugaises laissent le champ libre à de nouvelles nations d'émerger en Europe, mais aussi dans le monde.

Les tensions sont cristallisées sous le règne de Louis XIV (1643-1715). Le roi de France concrétise la monarchie absolue et prétend à l'universalité de son règne. L'expansionnisme français dans les Pays-Bas autrichiens et dans la conquête du Nouveau-Monde achève de convaincre l'Angleterre de la menace que représente la France. Le traité de Westphalie (1648) consacre la France comme la "nouvelle Espagne". Les Anglais se lancent à la rencontre des Français partout dans le monde pour les empêcher de prospérer. Côté français, les Anglais sont vus comme de vulgaires pirates reclus derrière leur île : l'Angleterre devient la "Perfide Albion".

Les deux pays suivent même des philosophies politiques opposées : la France voit sa monarchie devenir absolue à travers le règne de Louis XIV quand les Anglais entrent en révolution pour sanctionner les élans absolutistes de leur roi, Charles Ier, allant jusqu'à l'exécuter. Une république et une restauration monarchique seront nécessaires pour restaurer la paix en Angleterre. Cependant, ces événements n'empêchent pas l'Angleterre et la France de s'affronter au sein de la guerre de la Ligue d'Augsbourg, de 1688 à 1697.


Effrayée à l'idée d'une invasion, l'Angleterre entérine l'Acte d'Union entre le royaume et l'Écosse, en 1707. Alors que le nouveau Royaume-Uni devient parlementaire, la France continue sa marche vers l'absolutisme. Le Royaume-Uni affronte la France durant la guerre de Succession d'Espagne, entre 1702 et 1713. Le Royaume-Uni refuse toute union politique entre la France et l'Espagne ce qui en ferait une puissance continentale et mondiale titanesque. Elle obtient le renoncement du dauphin Philippe, désormais Philippe V d'Espagne, à la couronne de France.


Le Royaume-Uni se pose en défenseur de "l'équilibre des puissances" en Europe : aucun pays ne doit devenir hégémonique sur le continent, sous peine de voir le Royaume-Uni marginalisé ou menacé. Cette doctrine se retrouve dans la géopolitique britannique depuis, notamment sur les questions contemporaines de l'Union européenne. Ainsi, le Royaume-Uni se lance dans la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748), s'opposant au roi de France Louis XV. Si le Royaume-Uni possède l'une des plus puissantes marines de guerre du monde, elle ne détient qu'une minuscule armée de terre, ce qui la pousse à nouer des alliances sur le continent pour entraver la montée en puissance d'un pays ou d'un autre. La France, à l'inverse, s'avère incapable de régner en maître sur les mers, mais sa puissance terrestre demeure incontestable, ce qui la rend d'autant plus redoutable pour les puissances européennes continentales. Les guerres entre la France et le Royaume-Uni sont toutefois, à cette période, des guerres pour le contrôle de l'Europe et/ou du monde. Si la France possède une influence européenne majeure, le Royaume-Uni est indétrônable quant aux questions maritimes, commerciales et coloniales.
L'expansion coloniale
Depuis les années 1650, le Nouveau-Monde est devenu un théâtre de conflits entre les deux superpuissances. Le dessein d'Olivier Cromwell d'augmenter la présence britannique à l'Ouest, et notamment en Amérique du Nord, commence ainsi avec l'acquisition de la Jamaïque auprès des Espagnols, en 1652. Les premières installations britanniques en Amérique du Nord datent de 1607 et, vers 1730, sont devenus treize colonies séparées.

Les Français, quant à eux, s'établissent au Canada, le long du Mississippi et dans les Caraïbes. Ils détiennent ainsi Saint-Domingue, la plus prospère des colonies du monde. Les deux pays reconnaissant volontiers le potentiel commercial de l'Inde, décident d'installer des comptoirs commerciaux. Les guerres entre France et Royaume-Uni se déroulent ainsi en Europe, mais aussi en Amérique du Nord et en Asie.
La guerre de Sept-Ans (1754-1763)
La guerre de Sept-Ans est souvent appelée "première guerre mondiale" du fait de combats en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Elle oppose la Prusse, puissance montante du XVIIIe siècle, et alliée au Royaume-Uni, à une coalition menée par la France et composée de l'Autriche, de la Russie, de la Saxe, de la Pologne et de la Suède. Si la guerre se déroule surtout en Allemagne et en Bohême, France et Royaume-Uni s'affrontent pour le contrôle des colonies américaines. La victoire britannique, en 1763, qui se solde par l'acquisition de larges territoires en Amérique du Nord, en Inde et dans les Caraïbes est perçue comme la victoire d'un monde anglo-saxon où les Anglais en seraient les maîtres. L'humiliation est totale en France et va avoir de graves conséquences pour la suite des relations entre les deux pays.

Les guerres napoléoniennes qui n'en finissent pas suivront et prolongeront l'antagonisme entre les insulaires et les continentaux et c'est cette peur de l'Europe, même en ces temps de paix et l'amour de leur souveraineté qui poussent, ces jours-ci, les britanniques à ce Brexit dont on parle tant.  

En conclusion, Cette force de dominer le monde qui a toujours caractérisé les peuples anglo-saxons se matérialise par l’occupation des meilleurs et des plus vastes territoires de cette planète (Amérique du nord, Australie, Nouvelle Zélande) et c’est ce même esprit qui empêche les anglais, aujourd’hui, d’être sous l’autorité d’une union européenne qui mettra encore longtemps avant de se souder étant donné que le radicalisme, le nationalisme, le chauvinisme et l’extrémisme racial apparaissent de plus belle partout dans le monde et chez tous les peuples de la terre.


Mohamed A. Lehreitani


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire